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Rapport Amnesty International : « À la merci d’un papier, quand l’État français fabrique la précarité des travailleurs étrangers »

Ce mercredi 5 novembre, Amnesty International publie « À la merci d’un papier, quand l’État français fabrique la précarité des travailleurs étrangers ».

En France, des milliers de travailleurs et travailleuses étrangers racialisés sont soumis à un système de cartes de séjour dysfonctionnel et nocif qui bafoue leurs droits, leur impose de vivre dans la précarité et les expose à un risque accru de subir des abus physiques et psychologiques ainsi que d’autres atteintes aux droits, dans le cadre de leur travail.

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Un nouvel « examen civique » pour les étrangers

L’ex-ministre de l’intérieur Bruno Retailleau a signé le 10 octobre 2025 – deux jours avant de quitter le gouvernement – un arrêté détaillant les thématiques du nouvel « examen civique » auquel seront soumis, à compter du 1er janvier 2026, les étrangers qui demandent un titre de séjour pluriannuel, une carte de résident ou sont candidats à la naturalisation.

Cet examen prendra la forme d’un questionnaire à choix multiples de quarante questions à remplir en 45 minutes maximum, un point par bonne réponse et un score de 80 % requis pour réussir, destiné à vérifier le niveau de connaissance de l’histoire, de la culture et de la société française.

Parmi les nombreux sujets de connaissances listés dans l’arrêté du 10 octobre : connaître et comprendre l’article 1er de la Constitution, le sens du mot égalité dans la devise française, l’histoire et le principe de la laïcité, le principe d’État de droit, le rôle des trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire), l’identification des préfectures de régions et de départements, la durée des principaux mandats électifs, les grandes étapes de la construction européenne, les principaux textes garants des droits fondamentaux, les fleuves, ou encore les principaux plats de la gastronomie française.

Un examen qui vise à renforcer les critères d’intégration et suscite beaucoup d’inquiétude du fait du niveau exigé. Et qui soulève par ailleurs une ambiguïté fondamentale : l’évaluation porte moins sur l’adhésion aux valeurs de la République que sur la maîtrise d’un corpus de savoirs scolaires que beaucoup de Français, scolarisés en France eux-mêmes, peineraient à restituer.

Au final un examen qui va compliquer encore un peu plus l’intégration des étrangers.

CONSULTER L’ARRÊTÉ DU 10 OCTOBRE 2025

Rapport du Défenseur des droits sur l’Administration numérique pour les étrangers en France

Alors que l’ANEF, plateforme déployée depuis 2020, visait à simplifier les démarches administratives pour les ressortissants étrangers, le Défenseur des droits publie ce jour le rapport « L’Administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) : une dématérialisation à l’origine d’atteintes massives aux droits des usagers ».

En 2020, les outils de prise de rendez-vous en ligne dans les préfectures étaient saturés, et de nombreux ressortissants étrangers ne parvenant plus à obtenir de rendez-vous ont saisi le Défenseur des droits. Le confinement et la fermeture des guichets préfectoraux ont accéléré la mise en place de solutions dématérialisées de demande de titres de séjour. Dans ce contexte, l’institution a commencé à recevoir des réclamations en lien avec ces nouveaux outils.

Quatre ans plus tard, le nombre de réclamations reçues par le Défenseur des droits pour ces raisons est considérable, et le droit des étrangers est devenu le premier motif de saisine de l’institution. En 2023, ces demandes représentaient 28 % des réclamations reçues, et plus de 75 % d’entre-elles concernaient des difficultés rencontrées avec les services préfectoraux, dans le cadre d’une première demande ou de renouvellement d’un titre de séjour.

Un outil aux nombreuses limites

Ces nombreuses réclamations montrent que l’ANEF, malgré des avancées certaines et les ambitions du projet, ne tient pas ses promesses de simplification des démarches des usagers, de fluidification des circuits et des procédures, et d’optimisation des logiciels utilisés par les agents préfectoraux.

Problèmes techniques persistants, choix ou impensés dans la conception de l’outil sources de difficultés, déploiement parcellaire et manque d’informations aux usagers… Déployé au terme d’expérimentations insuffisantes, l’outil souffre de nombreuses limitations et de dysfonctionnements qui affectent tant le dépôt que l’instruction des demandes de titres.

Le Défenseur des droits observe également dans ses réclamations que les services d’accueil et d’accompagnement spécifiques, notamment pour les personnes éloignées du numérique – le Centre de contact citoyen (CCC) et les Points d’accueil numériques (PAN) – ne permettent pas de surmonter les difficultés : échanges infructueux, complexité d’accès, manque de qualification du personnel, manque d’effectifs, etc.

Des atteintes graves aux droits des usagers

Lorsqu’une personne ne peut pas accéder à une démarche, ou la finaliser, elle risque de se retrouver en situation irrégulière, sans titre de séjour, alors même qu’elle en remplirait les conditions légales.

Les dysfonctionnements de l’ANEF ont donc des répercussions très concrètes sur la vie des personnes étrangères. Perdre son droit au séjour peut entraîner une perte d’emploi, la suspension des prestations sociales, des difficultés d’accès aux soins, ou encore des ruptures dans la scolarisation des enfants. Ces situations engendrent des atteintes graves aux droits, comme le droit de mener une vie privée et familiale normale, le droit de propriété, l’intérêt supérieur de l’enfant…

Les recommandations du Défenseur des droits

  • L’ampleur et la gravité des atteintes constatées par le Défenseur des droits imposent l’adoption de mesures urgentes. Face à cette situation, l’institution formule 14 recommandations essentielles pour garantir l’accès aux droits des usagers, notamment :
  • Intégrer dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile une disposition reconnaissant le droit de réaliser toute démarche par un canal non dématérialisé, sans condition préalable,
  • Automatiser le renouvellement automatique des attestations de prolongation d’instruction (API) et créer, pour les personnes sollicitant la régularisation de leur situation administrative, une attestation dématérialisée créatrice de droits délivrée après vérification de la complétude du dossier,
  • Améliorer l’information donnée aux usagers sur les sites internet des préfectures, quant aux modalités de dépôt des demandes de titres et la mettre à jour régulièrement.
  • Sans remettre en cause le principe même de l’ouverture d’une voie dématérialisée pour le dépôt des demandes de titres de séjour, ces recommandations mettent en avant les modifications qui s’imposent pour faire de l’ANEF un véritable outil de simplification, au service de ses usagers.

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